Aujourd'hui, je réagis à l'éditurial du journal Le Soir de ce samedi 15 mai. Eric Brugraff y publie un texte juste et attentif aux besoins des enfants. L'annonce par la ministre de l'enseignement a, comme c'est un habitude quand on parle de rythmes scolaires que ce soit en Belgique ou en France, déclenché une vague de réaction plus ou moins contre la moindre transformation de l'état actuel. Il semble cependant que cette fois, les choses évoluent et que à l'instar de ce qu'affirme cet édito, certain-e-s sont prêt-e-s à penser le système pour tous les enfants et non pour les seules qui ont déjà un calendrier bien rempli du 1er juillet au 31 août.
Je ne peux témoigner que de ce que je vivais en classe. Je percevais souvent que des périodes de plus de 7 semaines de travail laissaient mes élèves complètement hermétiques aux nouveaux apprentissages et si, les retours des congés de fin d'année ou de Pâques étaient un moment où la classe "surfait" sur les apports et me donnait l'impression que chacun-e progressait, les retours de congé de Tousaint et de Carnaval me décevaient toujours un peu. La première semaine après ces congés d'une semaine, je constatais bien que les élèves étaient plus reposés, mais dès la deuxième, c'était comme s'ils-elles n'avaient jamais arrêté de venir à l'école.
De plus, il apparait que si le système actuel convient aux adultes de l'école, ce que je peux comprendre, il est aussi organisé pour les plus nantis du système. Deux mois de vacances, lorsque l'on passe du temps avec les grands-parents, que l'on fait un ou deux "stages" d'activités que l'on apprécie, que l'on part deux ou trois semaines avec ses parents à l'autre bout de la planète se dépayser ... ça laisse peu de temps pour s'ennuier. Par contre, quand on vit dans une cité social où peu de personnes partent l'été, où beaucoup d'activités s'arrêtent (maison de jeunes, activités communales pour la jeunesse...) comment ne pas trouver le temps long durant deux mois.
J'ai eu la chance de travailler dans une école où il y avait une certaine mixité sociale. Les retours de vacances étaient toujours l'occasion d'un constat, chacun-e était souvent content-e de retrouver le chemin de l'école, mais de manière différente : Cassandre et Éloïse pour partager tout ce qu'elles avaient pu faire pendant les vacances, Férielle et Yasmine pour retrouver une vie moins monotone. C'est 20 dernières années, il y a eu une sacré évolution dans les quartiers populaires de Bruxelles. Dans les années 80 -90, les quartiers se vidaient littéralement l'été. J'avais même des enfants qui se retrouvaient à 3000 km de l'école pour jouer ensemble, car leurs grands-parents habitaient le même quartier de Tanger ou d'Emirdag. La plus grande paupérisation de la population bruxelloise fait que bon nombre de famille ne retournent plus "au pays" tous les ans et ce bien souvent sans les enfants. Pourquoi ? Parce que les avioneurs lowcost font tripler les prix de ces destinations entre le 28 juin et le 2 juillet et que cela ne chagrine personne dans nos décideurs d'une société où "l'offre et la demande" ont bien plus de poids que les personnes. J'ai eu un jour un papa auprès duquel je me plaignais que sa fille allait rater les 5 derniers jours d'école que je trouvais important à mes yeux. Nous terminions l'année en présentant une exposiition de photos qu'avaient prises les enfants au centre culturel communal et sa fille n'allait pas y participer au-delà de l'inauguration. Il est venu me trouver avec un dossier de papier. "Tu vois, Alain, tu sais que j'ai quatre enfants. Ma femme et moi, on doit travailler tout l'été au restaurant. Mes enfants ne voient jamais leurs grands-parents de toute l'année. Alors, j'essaie de les envoyer passer les deux mois d'été chez eux, mais c'est trois fois le prix si j"attends le 1er juillet et les fait revenir avant le 31 août. Ils partent donc le 26 juin et reviennent le 4 septembre. Je ne peux pas faire autrement. Tu me comprends ?". Hé oui, que je comprends, hé ou que notre société et nos congés scolaires ne sont pas fait pour des familes vivant cela.
J'espère donc que le projet en question passera, malgré les hauts cris des adultes en tous genres, car un système qui ne protège pas les plus faibles ne fait rien sinon maintenir des privilèges de castes.
Je vous invite à lire l'éditorial d'Eric Burgraff : https://plus.lesoir.be/372272/article/2021-05-15/rythmes-scolaires-un-choix-de-societe