Ce matin, dans Matin Première, Sacha Daout était interrogé sur un de ses débats que je m’astreins à ne pas regarder. J’ai effectivement tendance à penser que ce monsieur invite des expert-e-s pour qu’au final, sur n’importe quel sujet, on n’en entend qu’un seul : LUI. C’est particulièrement le cas quand il parle « école ».
Ce matin, il ne parlait pas école, ouf, mais il parlait des rassemblements « La boum 2 » et des rassemblements prévus à Liège. Déjà sa comparaison entre les organisateur-trice-s responsables d’un évènement liégeois versus les organisateur-trice-s de la Boum 2 à Bruxelles était aussi fine qu’une poutine canadienne… mais le mot qui m’a particulièrement mis en réaction, c’est le mot « casseur ».
Est-ce vraiment encore possible qu’un journaliste (enfin si peu) d’un média public puisse encore utiliser ce mot pour parler de militant-e-s désobéisseurs. Il ne parle pas de manifestation au sein d’une zone commerciale, non, il parle de personnes allant manifester dans un parc ! ! ! Dans la définition de « casseurs » de Sacha Daout, nous pourrions y associer quelques noms … Nelson Mandela était un casseur, Louise Michel était une casseuse, Martin Luther King devait avoir un petit côté casseur, Lucie Aubrac était une «casseuse » …
Si désobéir à une autorité injuste , permet automatiquement de qualifier les personnes concernées de « casseur », il va effectivement y en avoir beaucoup !
Je ne serai pas au parc samedi, je ne défends pas la position des organisateur-trice-s de ces rassemblement, mais je ne peux accepter que l’on dénigre de la sorte leur prise de position.
Lors du dernier festival du film d’éducation de Bruxelles, organisé par les CEMÉA, j’avais fait un constat assez interpellant au cours de la dernière journée de projections et d’échanges. Les trois films du jour présentaient un lien commun :
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Dans « the internet’s own boy », film qui raconte la vie d’Aaron Swartz, petit génie du net, co-inventeur des flux RSS, de Redit et des licences creative commons, il est évoqué à un moment la pression médiatique qu’a subi Aaron et qui l’a poussé au suicide. Les média le comparait systématiquement à un hacker qui avait volé les données bancaires de milliers d’américains, là où Aaron avait hacké un serveur d’université pour mettre en partage un savoir produit grâce aux impôts des mêmes américains.
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Dans « Un pays qui se tient sage », à propos du mouvement des gilets jaunes, nous avions pu découvrir comment les médias français avaient dénigré ce mouvement en faisant effectivement passer rapidement tous ses protagonistes pour des « casseurs » en niant souvent le coût des mutilations dues aux violences policières.
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Enfin, le film « Woman at war » qui est une pure fiction, fait cependant appel à la même désinformation. Quand Hala, héroïne militante écologiste et saboteuse de l’industrie de l’aluminium en Islande, désorganise celle-ci, les médias en font un groupe terroriste chinois venant désorganiser l’industrie islandaise et menaçant à elle seule l’économie entière du pays.
Sacha Daout en utilisant le mot « casseur » pour dénoncer les manifestant-e-s violent-e-s des rassemblements actuels ne fait rien d’autre. Dénigrer un groupe en le qualifiant de ce qu’il n’est pas. Le régime sud africain qualifiait l’ANC de mouvement terroriste. Sacha Daout n’est-il pas, en ce cas, le casseur d’une certaine éthique journalistique, d’une certaine neutralité du propos ?
Les généralités ont-elles leur place sur une antenne publique ? La RTBF fait de plus en plus place à celles-ci. Certains animateurs, certaines émissions de radio, certaines chaînes de radios s’en font parfois une spécialité, ne faudrait-il pas un peu plus de rigueur dans les propos pour un média publique ?